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LE MAL DES ARDENTS

Conseillers intrigués le regardaient avec étonnement, attendant une explication, mais il retrouva son calme, dit à Monsieur Georges : « Je pars tout à l’heure pour Paris ». Il ajouta à voix basse : « Le temps de passer chez moi et de reprendre le train. Je serai de nouveau là demain soir à six heures. Demandez, demain, pour vous et moi, une audience au Préfet et au Président du Conseil Général pour cette heure-là. Vous leur direz qu’il s’agit d’une affaire extrêmement grave ».

Il prit un train, en changea à St Germain-des-Fossés, coucha à Vichy où il passa, le lendemain, une journée délicieuse, et fut de retour à l’heure dite. Le Préfet et le Président du Conseil Général, mis au fait de son attitude mystérieuse de la veille, l’attendaient.

— Je m’excuse, Messieurs, leur dit-il posément, d’avoir à vous faire une communication qui n’est pas pour causer de l’agrément à l’Assemblée Départementale ; mais vous verrez tout à l’heure que je ne puis agir autrement.

Le Préfet, grand homme glabre, maigre et froid, ne répondit rien. Il avait l’air perpétuellement absent, détaché de l’humanité, et les choses les plus essentielles ne paraissaient lui parvenir qu’avec un long retard ; cette attitude peut-être préméditée lui était fort utile dans l’harmonieux développement d’une carrière assez réussie. Par contre, le Président du Conseil Général, Monsieur Touffe, ancien ingénieur des Ponts et Chaussées, chu soudain dans la politique et devenu sénateur depuis qu’un viaduc construit