Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/585

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gard, cette douce lumière que ne rachète nul trésor. Il tombe aussi Peucron à la blonde chevelure bouclée, au front couronné du roseau maternel. Méotis, sa mère, pleure et se lamente au fond de ses antres humides ; elle appelle son fils, qu’elle ne verra plus parcourir ses étangs, ses rivages, ni abattre sur ses ondes gelées les rapides élans.

Eurytus met en fuite les Exomates. Hélix, à la fleur de l’âge, meurt de la lance de Nestor, sans avoir pu rendre à son père les soins qu’il en avait reçus. Daraps poursuit Latagus et Zatès ; il tue l’un sur le coup, et voit l’autre fuir, emportant le fer dans sa poitrine et rendant des flots de sang.

Cependant Médée, du haut des remparts, observait le combat et ses chances diverses. Elle reconnaît d’abord, au milieu de la mêlée, plusieurs guerriers, et s’informe des autres à Junon. Du plus loin qu’elle aperçoit Jason, elle fixe sur lui d’avides regards ; bientôt sa pensée, tous ses vœux sont pour lui : elle suit les pas du héros, elle les devance même ; elle compte les guerriers qu’il désarme, les cavaliers qu’il abat, ceux qu’il immole, malgré leurs prières. Quelquefois elle tourne ailleurs son œil errant et comme sans regard, cherchant sans doute ou son père, ou son futur époux ; mais Jason est toujours là ; l’infortunée ne voit que Jason. S’adressant alors à sa sœur : « Quel est, dit-elle, feignant d’ignorer son nom, celui que je vois depuis si longtemps, et que vous aussi vous voyez courir, comme un incendie, sur le champ de bataille ? Sa valeur, j’imagine, ne vous étonne pas moins que moi. » L’implacable déesse enchérissant sur cet éloge, et fidèle à ses ruses, répond à Médée : « C’est Jason lui-même que vous voyez, ma sœur ; il a traversé des mers immenses pour venir ici revendiquer la toison, héritage de son parent Phrixus. Nul n’est plus noble, nul n’est plus valeureux que lui. Voyez comme il efface en beauté les Argonautes et les plus illustres de nos guerriers, comme il insulte à ces cadavres amoncelés autour de lui ! Hélas ! il va partir ; il va quitter nos rivages et regagner les fertiles campagnes de la Thessalie, si tendrement aimées de Phrixus. Puisse-t-il du moins y arriver sans périls ! » C’en était assez pour que Médée, profitant des heures qui lui restaient encore, assouvît ses regards du spectacle qu’elle avait sous les yeux, et des exploits de Jason.

En même temps que Junon l’enflammait par ses discours, elle grandissait le héros par des succès, et le pénétrait d’une ardeur toute nouvelle. Du haut du casque de Jason jaillissent de terribles éclairs ; son panache, astre fatal a toi, Perses, à toi aussi, jeune fille, trace dans l’air des sillons de feu, pareil au brûlant Sirius, ou à ces comètes enflammées que suscite contre les tyrans le courroux du maître des dieux. Le héros a senti l’influence de la déesse ; ses forces en sont décuplées. Il lui semble s’élever au-dessus des bataillons autant que le Caucase élève vers les Ourses glacées ses sommets couronnés de neige. Comme un lion qui s’est élancé dans une étable,