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LIVRE CINQUIÈME

L’heureuse fusion de la femme et de l’homme.
Que de formes sans nom durent s’éteindre avant
De transmettre à des fils le principe vivant !

Celles qui jusqu’à nous se sont perpétuées
Le doivent aux vertus dont elles sont douées :
À la ruse, à la force, à la légèreté.
D’autres ont survécu grâce à l’utilité
Qui les recommandait à notre patronage.
L’astuce a préservé le renard ; le courage,
Les farouches lions et leurs cruels rivaux ;
900L’agilité, les cerfs. Mais les chiens, cœurs loyaux,
Au vigilant sommeil, et les bêtes de somme
Ont mérité les soins tutélaires de l’homme.
Les laineuses brebis, les bœufs et les troupeaux
Loin des monstres de proie ont cherché le repos
Et les pâtis épais à leurs loisirs propices,
Biens que nous leur donnons pour prix de leurs services.
Quant aux déshérités, ceux qui ne sont points faits
Pour vivre indépendants ou payer en bienfaits
Leur pâture assurée et la tutelle humaine,
Jusqu’à l’instant fatal de leur perte certaine,
Ils gisaient, enchaînés par l’implacable sort,
Victimes de la force et butin de la mort.

Mais la terre jamais n’a conçu de centaure ;
Jamais le groupe hybride où la Fable incorpore
Deux lambeaux mal soudés de types si distincts,
Si différents de mœurs, de nature et d’instincts,
N’a pu réaliser cette unité factice.