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XXXII
PRÉFACE

son des atomes (II, 216-293). Ce n’est en effet, sans démonstration suffisante, que la vibration ou l’ondulation, par laquelle nous expliquons aujourd’hui les combinaisons moléculaires, les phénomènes caloriques et lumineux. Telle encore l’analyse des sensations colorées, si conforme, à ce que nous ont enseigné de plus délicates expériences (II, 729-832).

De ce que l’atome est trop petit pour être perceptible. Lucrèce conclut que l’atome est dénué des propriétés qui frappent nos sens, aussi bien que de l’organisme qui les engendre. Corpuscule insensible et insensitif, l’atome produit le monde sensible et vivant par ses figures diverses et ses mouvements sans nombre. Les aspects des choses ne sont que des rapports entre nous et certains groupes de matière. De même que le son et que l’odeur, la couleur est un attribut des corps en mouvement, et surtout des corps éclairés. Loin d’exister par elle-même, elle n’est qu’un résultat de la lumière, laquelle n’est qu’un rapport déjà complexe.

Citons encore une de ces conceptions fausses qui, chez Lucrèce, tenaient la place d’hypothèses aujourd’hui, généralement adoptées. C’est une de celles que le poëte affectionne le plus ; et pour elle il combat avec persistance des maîtres tels qu’Héraclite, Empédocle et Anaxagore. Il faut avouer que, de son temps, son excellente argumentation le rendait sans réplique. Il s’agit de ce Vide absolu, infini comme la matière, dont Lucrèce remplit les interstices des choses, libre et pur milieu auquel les corps doivent leur élasticité,