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Page:Luigi - Le Don Quichotte montréalais sur sa rossinante, 1873.djvu/41

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chevaucher sur la grande jument de Mahomet vous donne un vertige qui menace d’établir perpétuellement domicile chez vous.

L’enseignement de l’Église catholique, qu’il nous soit donné par le corps des pasteurs réunis en Concile ou par le successeur de Pierre, parlant ex cathedra, est un, c’est-à-dire invariable et toujours le même. Donc, à priori, on peut et même l’on doit croire que les Souverains Pontifes n’ont rien enseigné de contradictoire. Et si, comme, le renard du bon Lafontaine le disait à un bouc peu rusé, vous aviez eu autant de jugement que de barbe au menton, vous n’auriez pas cité Saint Gélase contre le pouvoir temporel du Pape, lorsque tant de Pontifes romains l’ont défendu avec une admirable énergie.

Mais voyons quelles sont les paroles de Saint Gélase, que vous rapportez avec une si grande complaisance.

« Avant la venue de Jésus-Christ, nous dit-il, il n’était pas impossible que la royauté et le sacerdoce se trouvassent réunis en la même personne, comme l’Écriture nous l’apprend de Melchisédech. Mais depuis l’avénement de Celui qui est véritablement Roi et Pontife tout ensemble, l’empereur n’a plus porté le nom de Pontife et le Pontife ne s’est plus attribué la dignité royale. Dieu, pour ménager la faiblesse humaine, a séparé les fonctions de l’une et l’autre puissance, en sorte que les empereurs chrétiens fussent soumis aux Pontifes dans l’ordre spirituel, et que les Pontifes fussent soumis aux ordonnances des empereurs dans l’ordre temporel. »

Que signifient ces paroles ? Que le Pape, souverain spirituel, est incapable de posséder, comme roi temporel, un domaine qui assure son indépendance temporelle en même temps que le repos et la paix du monde ? Point du tout. Elles ne font qu’indiquer les attributions spéciales de chaque puissance, sur le domaine desquelles ni l’un ni l’autre ne peut empiéter. Ce que Saint Gélase enseigne, c’est ceci ni plus ni moins : on n’est pas Pontife par cela seul qu’on est Roi, et l’on n’est pas Roi par cela seul qu’on est Pontife. Il veut montrer bien clairement que Jésus-Christ, par son miséricordieux avènement en ce monde, a détruit le