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Page:Lussault - Les Deux jumeaux.djvu/15

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LES DEUX JUMEAUX.

exemple du malheur que peut occasionner l’ignorance.

— Mon père, reprit timidement la jeune femme, je vous assure qu’il a eu une dent gâtée qui l’a fait beaucoup souffrir toute l’année dernière.

— Honte ! honte à lui de l’avoir gardée si longtemps ! s’il avait eu le courage de se la faire arracher, comme je le lui disais, il n’aurait pas perdu tant de mois à faire le fainéant. Quand une partie de notre corps devient pour nous un ennemi, il faut savoir s’en défaire : si je ne m’étais pas décidé à me laisser couper le bras quand la gangrène se mettait à ma blessure, serais-je aujourd’hui des vôtres, et aurais-je éprouvé un des plus grands bonheurs de ma vie en voyant couronner tant de fois mon digne petit-fils ? »

En disant cela, il caressa la joue du jeune lauréat avec un sentiment de joie et d’orgueil paternel difficile à décrire ; puis, prenant la main de l’autre adolescent qui pleurait dans un coin, et l’attirant à lui, malgré la résistance que la honte et la mauvaise humeur de celui-ci apportaient au dessein du bon père, il lui dit :

« Voyons, mon Charlot, j’admets qu’une mauvaise dent t’ait fait beaucoup souffrir, j’admets encore que tu n’aies pas eu le courage de la faire extraire de ta bouche, la poltronnerie est peut--