Page:Luzel - Cinquième rapport sur une mission en Basse-Bretagne, 1873.djvu/46

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lui même son jeune enfant, et qu’avec son sang encore chaud il arrose la statue de marbre… Quelque douleur qu’il en éprouve, le prince, revenu chez lui, tue son enfant et en recueille le sang dans un vase. Avec ce sang, il arrose la statue du bossu, et celui-ci revient à son état naturel.

— Vois, lui dit alors le prince, comme il faut que je t’aime, puisque, pour te délivrer, j’ai moi-même ôté la vie à mon enfant unique !

— Votre enfant n’est pas mort, lui répond le bossu ; venez vous en assurer.

Et en effet, en arrivant dans la chambre de l’enfant, ils le virent dans son berceau, qui leur souriait et leur tendait les bras.


Le boiteux de ce conte, espèce de sorcier ou magicien qui habite les bois, rappelle à l’esprit le roi Obéron, de Huon de Bordeaux.

L’épisode de l’homme changé en statue pour avoir révélé un secret, et qui ne peut être délivré qu’en l’arrosant avec le sang encore chaud de l’enfant tué par le père lui-même, se retrouve aussi dans le fidèle Jean des frères Grimm. Les Mille et une nuits ont également un homme changé en statue de pierre, dans le conte : le roi des Îles Noires.


LE CHAT ET SA MÈRE.


Une jeune fille avait une marâtre qui la persécutait. Cette marâtre, voulant se débarrasser d’elle, alla trouver une sorcière de ses amies, dans un bois voisin. La sorcière lui donna un gâteau et lui dit : « Donnez ce gâteau à manger à la fille de votre mari, et vous en verrez bientôt les effets. » La jeune fille mangea le gâteau, et, quelque temps après, elle fut étonnée de se trouver enceinte. Le père, voyant cela, fut persuadé que sa fille se conduisait mal, et, cédant aux excitations de sa femme, il la fit exposer sur la mer, dans un tonneau. Elle aborda dans une île, se retira sous un rocher, et y accoucha d’un chat. Elle pleura beaucoup, en voyant l’être que Dieu lui envoyait. Mais le chat prenant alors la parole, comme un homme, essaya de la consoler et lui dit d’être sans crainte au sujet de leur nourriture, qu’il saurait y pourvoir. En effet, prenant un bissac sur ses épaules, il se rendit à un château qui se trouvait dans l’île, et en rapporta des provisions. Pendant plusieurs jours il se comporta de la sorte. Un jour, le jeune seigneur du château fut mis en prison, parce qu’il avait perdu ses papiers, ses titres. Le chat l’alla trouver dans sa prison, et lui promit de le remettre en liberté, et de lui faire retrouver ses papiers, s’il voulait épouser sa mère. « Épouser une chatte ! » répondit-il, on ne peut plus étonné. « Faites ce que je vous