Page:Luzel - Contes populaires, volume 1, 1887.djvu/413

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êtes mon maître, je vous ai obéi ; vous savez tout à présent, et la prédiction est accomplie.

Et en effet, le fidèle serviteur était maintenant une statue de marbre, des pieds à la tête. Les derniers mots qu'il prononça furent ceux-ci:

— C'en est fait de moi, à présent ; je vais brûler dans le feu de l'enfer, et vous-même vous y viendrez me rejoindre, si vous ne rachetez pas votre faute !

Le prince était inconsolable du malheur de son fidèle serviteur. Il était devenu triste, taciturne, il fuyait la société, et on le surprenait souvent pleurant. Personne, même sa femme, ne soupçonnait la cause d'un changement si complet.

Son vieux père lui demanda un jour :

— Où est donc ton fidèle serviteur, que tu aimais tant ? Je ne le vois plus, depuis quelque temps.

Le prince garda le silence.

— Prends garde de l'avoir fait mourir.

— Non, mon père, rassurez-vous, je ne l'ai pas fait mourir.

Il rêvait constamment aux moyens de le délivrer. Mais, comment s'y prendre ? Qui le conseillerait ? Après avoir consulté vainement un grand nombre de savants, de magiciens et de sorciers, l'idée lui vint d'aller passer encore une nuit, dans la forêt où ils en avaient déjà passé deux. Il