Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 1, 1881.djvu/294

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précisément un lieu qui lui convienne. Le pêcheur lui propose une roche abrupte et aride, qu’il connaît sur la côte. « J’ai même là, ajoute-t-il, de bons fers que je vous mettrai aux pieds, si vous voulez ». Grégoire accepte. Le pêcheur le conduit alors à la roche, l’y enchaîne solidement, puis il jette la clé à la mer, en disant : « Quand cette clé se retrouvera, vous sortirez d’ici. » Grégoire demeure sur la roche dix-sept ans, n’ayant pour toute nourriture que les coquillages que le flot y apporte parfois à ses pieds. Il est nu, exposé au soleil, au froid, à la tempête, à toutes les intempéries des saisons.

Les dix-sept ans écoulés, des ambassadeurs romains arrivent à la cabane du pêcheur. Ils sont à la recherche d’un pénitent nommé Grégoire, qui vit sur une roche solitaire, au bord de l’Océan. Un ange les a avertis de donner ce pénitent pour successeur au souverain pontife qui vient de mourir. Le pêcheur leur dit qu’il connaît la retraite de celui qu’ils cherchent. On trouve dans le ventre du poisson qui est servi au repas la clé qui a été jetée à la mer, il y a dix-sept ans. Au matin, les ambassadeurs se font conduire au rocher. Ils aperçoivent Grégoire, décharné, « velu et chenu ». Ils lui annoncent qu’ils viennent le chercher pour l’élever au Saint-Siège de Rome. Grégoire repousse leurs instances ; il finit par s’écrier : « Je ne quitterai ce lieu que lorsqu’on me rapportera la clé des fers que j’ai aux pieds. »

Les ambassadeurs lui présentent alors la clé, et Grégoire cesse de se défendre. C’est ainsi que ce « fort pécheur » devint le chef de l’Église et le vicaire du Christ.

Cependant sa mère, avancée en âge, vient à Rome, demander l’absolution de ses péchés. La mère et le fils se reconnaissent. La mère entre dans un couvent, où le Saint-Père vient souvent la visiter. Tous deux meurent saintement.