nous vécûmes de façon à ne jamais faire ni recevoir d’injure. [5] Mais lorsque les Trente devinrent les maîtres, tout changea de face pour nous. Ces hommes injustes et méchants s’annonçaient d’abord comme devant purger la ville des plus mauvais citoyens, et porter les autres à la vertu [1] : voilà ce qu’ils promettaient et ce qu’ils n’exécutèrent pas, comme je tâcherai de vous le faire voir, sans séparer, dans mon récit, mes intérêts des vôtres.
[6] Théognis et Pison, deux des trente tyrans, firent observer à leurs collègues que parmi les étrangers établis à Athènes plusieurs étaient contraires au gouvernement actuel, que le prétexte de punir des coupables serait un excellent moyen d’enrichir le trésor. Posons, disaient-ils, pour principe qu’on a besoin d’argent. [7] Il leur fut aisé de persuader leurs auditeurs, qui aimaient autant l’argent qu’ils estimaient peu la vie des hommes. Les Trente décidèrent donc qu’ils feraient prendre dix étrangers dont deux seraient choisis parmi les pauvres, afin de pouvoir se justifier devant le peuple, et