Page:Mémoire pour le sieur Pierre Lesens, capitaine de navire, de présent en la ville des Cayes.djvu/8

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ſouvent par ſe faire autant d’ennemis qu’ils ont d’obligés. S’il est beau de faire des ingrats, il est bien dur d’en être perſécuté !

Cette cauſe est attendriſſante, parceque l’on y voit à tout moment l’aveuglement du ſort : elle est bonne, parceque l’on y voit ſans ceſſe l’inſpiration d’un cœur excellent : elle est juste, parceque le Sieur Leſens n’a rien épargné pour remplir ſes devoirs.

Il est vrai qu’il n’a point à ſe reprocher la dureté mercantile qui distingue le repréſentant du Sieur Bunel, parceque la douceur lui a toujours aſſez bien réuſſi. Il ne ſauroit ſe décider au rigoriſme impitoyable de tant d’autres qui abuſent ſi cruellement de l’étonnant privilège de la contrainte par corps ! On ne s’est pas douté dans le temps où l’on a créé la contrainte par corps pour les objets de cargaiſon, que l’on favoriſoit l’anatociſme ! C’est un grand fléau dans les colonies, & ce mal politique est bien loin de procurer l’avantage qu’on en attendoit ! Il écraſe le débiteur, & remplit rarement le but unique que le créancier ſe propoſe. C’est une vexation de plus dans les colonies, & c’est tout !

Il faut cependant convenir qu’il est des débiteurs d’une mauvaiſe foi bien inſigne ; & le Sieur Leſens l’a éprouvé comme les autres ! Il a été obligé d’en pourſuivre un vigoureuſement, un homme en place qui a plus d’une fois abuſé de ſon autorité pour le maltraiter & l’humilier.