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de m. le comte de fleurieu.

jours ; il se trouverait souvent heureux de rencontrer le danger pour échapper à l’ennui, tandis que le marin, qui aime son métier et qui en connaît les ressources, n’a pas un moment dont il ne puisse faire un emploi utile et amusant.

C’est ainsi que M. de Fleurieu sut remplir les deux années que demanda cette expédition. Mais, quoiqu’il n’eût à se reprocher la perte d’aucun des instans qu’il avait passés en mer, on ne peut être étonné de ce que le travail de la rédaction, le soin de mettre en ordre tant de matériaux divers, ceux de la gravure et de l’impression, l’aient encore occupé à Paris pendant trois ans, et qu’il n’ait pu faire paraître qu’en 1773 son ouvrage accompagné de toutes les cartes qu’il avait ou dressées ou rectifiées d’après ses propres observations.

Si M. de Fleurieu, rentré dans ses foyers, n’en sortit presque plus, en accuserons-nous son inconstance ou l’incurie du gouvernement ? Croyons plutôt, et la suite va nous le prouver, que son zèle avait pris une nouvelle direction.

Il connaissait les marins français ; il savait qu’on trouverait toujours parmi eux nombre d’officiers assez instruits, assez amis de leur profession pour tenir dans leurs voyages des journaux instructifs de toutes les opérations qu’auraient commandées le soin de leur sûreté, le désir d’abréger une traversée, et sur-tout de remplir avec éclat et célérité leurs missions importantes ; mais il savait aussi qu’accoutumés à une vie active et entourée de périls, le repos du cabinet les effraie, qu’ils ont sur-tout pour les froids et longs calculs une répugnance presque invincible, et qu’ainsi leurs journaux à leur retour courent le risque d’être ensevelis dans la poussière des dépôts, où ils ne trouveront pas toujours des mains assez habiles et assez laborieuses pour en tirer tout le parti possible. Il voulut donc se consacrer à ce genre de travail que trop peu de marins sauraient ou voudraient s’im-