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V

qu’un jour, éprouvé par une longue maladie, il est venu attendre sa guérison. Il est donc vrai de dire que ce retour régulier à l’air natal et au calme réparateur de la vie villageoise l’a entretenu et conservé.

Il perdit son père de bonne heure, et c’est sous l’œil vigilant d’une mère attentive et tendre que s’écoula son enfance. Il eut le bonheur de la conserver longtemps. Elle est morte peu d’années avant lui, ayant eu cette double joie de le voir parvenir aux plus hautes situations et de le retrouver toujours fidèle et reconnaissant. Comme il apprenait bien à l’école, le curé le choisit pour enfant de chœur et lui fit commencer le latin. Il continua et acheva ses études au collège de Villefranche, tenu par des ecclésiastiques. C’était un élève très ordinaire, froid, taciturne, frayant peu avec ses camarades, qui s’efforçaient en vain de l’associer à leurs jeux et que, plus tard, son élévation a fort surpris.

La situation de sa famille ne lui permettant pas de loisirs, il vint à Lyon, où il trouva, chez un pharmacien du faubourg de Vaise, un emploi qui lui donnait la nourriture et le logement. « Cette pharmacie, a dit Renan, desservait l’école vétérinaire située près de là, et c’était Bernard qui portait les médicaments aux bêtes malades. Déjà il jetait plus d’un regard curieux sur ce qu’il voyait, et il y avait dans « Monsieur Claude », comme l’appelait son patron, bien des choses qui étonnaient ce dernier. C’était surtout à propos de la thériaqûe qu’ils ne se comprenaient pas. Toutes les fois que Bernard apportait à l’apothicaire des produits gâtés « Gardez cela pour la thériaque, lui répondait ce digne homme, ce sera bon pour faire de la thériaque. » Telle fut l’origine première des doutes de notre confrère sur l’efficacité de l’art de guérir. Cette drogue infecte, fabriquée avec toutes les substances avariées de l’officine, quelle que fût leur nature, et qui guérissait tout de même, lui causait de profonds étonnements. « La première chose que mon patron m’apprit à faire, racontait-il plus tard à Sarcey, ce fut du cirage. Jamais je n’éprouvai une joie si franche que le jour où je composai mon premier pot de cirage. J’avais un état en