Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 52.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
VIII

toujours cherchant du nouveau, à L’aventure, sans ordre et sans méthode, uniquement attentif à éveiller chez ses auditeurs l’esprit d’investigation : « Je suis un chiffonnier, disait-il, avec un crochet à la main et une hotte sur le dos ; je parcours le domaine de la Science et je ramasse tout ce que je trouve » À son école, on puisait le dédain des hypothèses et la passion des réalités. Cet empirisme expérimental, joint à une critique impitoyable et à un scepticisme qui s’étendait jusqu’à ses propres découvertes, eut pour effet de modifier en l’inclinant vers l’action la nature méditative et un peu rêveuse de son disciple. Il lui laissait d’ailleurs une large part dans la direction de l’enseignement, tout en l’initiant à l’expérimentation sur les animaux. Bernard y acquit bientôt une telle habileté qu’un jour, après avoir assisté aux expériences de la leçon, Magendie sortit de la salle en lui disant, du ton bourru qui lui était habituel : « Eh bien tu es plus fort que moi ».

C’est seulement alors, âgé de trente ans, qu’il publia, en mai 1843, son premier travail sur l’anatomie et la physiologie de la corde du tympan, et qu’il soutint, en décembre de cette année, sa thèse de doctorat en médecine sur le suc gastrique et son rôle dans la nutrition. Mais tout de suite ses publications se succédèrent rapidement. En 1844, ce furent d’abord ses recherches expérimentales sur les fonctions du nerf spinal, qu’il compléta plus tard et dont il obtint de l’Académie des Sciences, en 1851, l’insertion aux Mémoires des Savants étrangers, puis ses recherches physiologiques sur les substances alimentaires (sucre, albumine et gélatine) et ses expériences concernant l’influence des nerfs de la huitième paire sur les phénomènes physiquesde la digestion ce qui ne l’empêcha pas de se présenter, cette même année, au Concours d’agrégation des Facultés de Médecine. Il y échoua, il est vrai. Il n’avait pas les qualités de parole qui font réussir en ce genre d’épreuves. En outre, son air était gauche et embarrassé. Aussi ses juges et ses émules ne lui prédisaient-ils guère autre chose qu’une carrière médicale des plus modestes,