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HISTOIRE DU COMTE

se doute pas qu’il sortit de là plusieurs générations de braves chevaliers, qui tous prirent une part plus ou moins active aux drames sanglants de notre histoire.

Lorsque Henri III et Henri, roi de Navarre, s’approchèrent de Paris, vers la fin de juillet 1589, pour triompher de la Ligue, le comte Antoine-René du Bel était seigneur et maître de Saint-Germain-des-Vaux. Au dire d’une chronique manuscrite que nous avons lue dans les archives de l’église de Saint-Germain-des-Vaux, les seigneurs du Bel étaient de race celtique ; ils excellaient à manier la lance, à monter à cheval, à poursuivre à travers les campagnes le cerf et le sanglier, à guerroyer jour et nuit. Cette chronique s’étend particulièrement sur le comte Antoine-René du Bel. Elle le représente sous les traits d’un homme petit et trapu, aux yeux ronges et flamboyants, aux paupières pendantes et éraillées, aux cheveux noirs et crépus, an caractère dur et tyrannique ; mais elle ajoute aussi qu’il avait une réputation de courage et de galanterie qui rachetait en partie ses mauvaises qualités. Il avait épousé Sophie-Éléonore de Sennecey, fille et unique héritière du baron Polidor-Charles-Louis de Sennecey, seigneur de Digulleville, Omonville et autres lieux circonvoisins. Sophie-Éléonore de Sennecey était d’une beauté ravissante, et plusieurs nobles et vaillants chevaliers s’étaient disputé l’honneur de l’obtenir ; mais le comte du Bel dut l’emporter sur ses rivaux, non seulement à cause des biens considérables qu’il possédait, mais encore en raison des relations amicales qui le liaient au baron de Sennecey. Antoine du Bel n’était point aimé de sa femme, et il le savait ; aussi devint-il d’une jalousie extrême, jalousie sans motif, il est vrai, mais qui l’irritait en proportion de l’indifférence conjugale dont il était l’objet. Toutefois il ne voulut pas renoncer entièrement à l’espoir d’être aimé ; il se donna des airs d’assiduité et de complaisance, il essaya de racheter sa laideur par des dehors de bonté. Ce fut en vain ;