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ANTOINE-RENÉ DU BEL

Sophie de Sennecey ne pouvait se contraindre à son aspect, et laissait percer, souvent malgré elle, la répulsion qu’elle éprouvait pour le comte.

Un soir la pluie tombait à grosses gouttes sur la toiture du manoir féodal de Saint-Germain-des-Vaux, et le sourd mugissement de la mer retentissait dans son donjon gothique. Le comte du Bel était assis dans une grande salle garnie en boiserie, devant une vaste table de chêne, copieusement servie. La comtesse, assise de l’autre côté de la table, s’était placée presque en face de lui. Rien ne troublait le silence de cet intérieur désolé, si ce n’est le sifflement du vent dans les lambris, ou les pas des valets qui apportaient et enlevaient les mets tour à tour.

Ce silence fut bientôt interrompu. On annonça qu’un homme de guerre, monté sur un cheval tout en sueur, venait d’arriver à toute bride et demandait à être introduit. Le comte ordonna de baisser le pont levis, et de faire entrer l’étranger.

Ce cavalier était un homme d’une haute stature et d’un extérieur martial. Il était revêtu d’un corselet à longues tassettes d’acier, de manches de mailles et de gantelets de fer luisant ; il portait en outre le casque en tête, et la dague au côté.

Le comte et la comtesse le reçurent poliment, et l’invitèrent à prendre part au souper.

Lorsqu’il fut assis, la comtesse lui demanda avec une marque d’intérêt et de curiosité comment il avait osé s’aventurer seul et sans guide dans un pays inconnu et par un temps si orageux.

— Madame, la nouvelle que j’apporte, répondit l’inconnu, est d’une haute importance, et le mauvais temps ne saurait m’empêcher de remplir mon message.

Quelle est donc cette nouvelle, dirent le comte et la comtesse ?

Cette nouvelle, reprit l’étranger, c’est la mort de Henri de Valois.