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ANTOINE-RENÉ DU BEL

Monseigneur, murmura-t-il, tout est fini ; Madame la comtesse a rendu son âme à Dieu.

Ainsi s’accomplit la sinistre prophétie du comte du Bel, lorsqu’il avait dit aux jeunes époux au pied de l’autel : « Je vous annonce que ce jour va se changer en funérailles. » Les funérailles eurent lieu en effet. Les tombeaux des deux jeunes infortunés furent placés côte à côte dans le cimetière des Falaises, et là ils se réunirent pour toujours dans le mariage de la mort.

L’histoire que je viens de décrire n’est point un roman. En 1796, on découvrit dans l’ancien cimetière de Saint-Germain-des-Vaux, appelé le cimetière des Falaises, deux tombeaux placés côte à côte, scellés de deux couvercles de marbre noir.

Sur l’un des tombeaux on lisait ces mots : Ci-gist belle et jolie dame, sophie-éléonore de sennecey, comtesse du bel, morte le 19 juin 1594, à onze heures du soir. Priez Dieu pour elle.

L’autre tombeau portait l’épitaphe suivante :

Ci-gist noble et vaillant seigneur gustave-léonidas de gréville, mort le 19 juin 1594, Dieu lui fasse merci !

Depuis ce jour funeste le comte du Bel s’enferma dans son château, comme un vautour dans son aire. Son caractère naturellement sombre se rembrunit de plus en plus. Il contracta des habitudes sanguinaires et se livra à la débauche la plus effrénée. Enfin, usé par la volupté et les plaisirs de la table, il mourut dans sa 55e année. Ce fut dans la personne de ce seigneur que s’éteignit pour toujours l’ancienne et noble famille des du Bel de Saint-Germain-des-Vaux.

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