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HISTOIRE DU COMTE

dans un lit, allaitant un enfant que ce guerrier regardait tendrement. Au dessus de ce portrait brillait une aigle d’or enrichie de pierreries.

Pendant que le comte du Bel, plongé dans une rêverie profonde, considérait d’un air soucieux les portraits de ses ancêtres, un domestique entra. Monseigneur, dit-il en s’adressant au comte, le marquis Gustave-Léonidas de Gréville n’a pu survivre à la profonde blessure qu’il a reçue ; il vient de mourir et son dernier soupir a été un cri de malédiction contre vous. — C’est un dénouement auquel je devais m’attendre, répondit le comte d’une voix sourde et concentrée. Puis après un instant de réflexion il ajouta : a-t-on l’espoir de sauver madame la comtesse ? — Monseigneur, répondit le domestique, Madame a été si vivement impressionnée par votre retour imprévu et par les conséquences qui en ont été la suite, qu’elle est toujours extrêmement malade. Quelquefois elle entre en délire, et alors elle demande continuellement le marquis. Elle est aujourd’hui considérablement affaiblie, et le chapelain du château l’a trouvée si mal, qu’il a jugé à propos de lui conférer l’extrême onction. À cet instant suprême elle a semblé reprendre un peu d’énergie ; elle a dit qu’elle vous pardonne vos violences, et qu’elle désire que vous lui pardonniez ses faiblesses ; elle a manifesté le désir d’être inhumée à côté du marquis dans le cimetière des Falaises, et de reposer dans un cercueil de plomb, avec son livre d’heures gothiques sur la poitrine. Après ces différentes recommandations elle a pris un crucifix entre ses mains et s’est mise à réciter des prières, en conjurant les assistants de prier pour elle, et en faisant observer qu’elle abandonnait une existence fragile pour une vie de bonheur éternel. — Le domestique en était là de son récit, lorsque le chapelain du château ; les yeux baignés de larmes, entra dans la chambre. Il s’approcha du comte, et d’une voix pleine de sanglots : —