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CORRESPONDANCE

en mesure, ont même de l’ensemble et la voix juste, de sorte que, s’ils n’ajoutent rien au charme de la musique, au moins ils ne la gâtent pas. Hier, j’étais dans une loge à côté de celle de l’envoyé de Russie où était le duc d’Havré : il m’a fait mille politesses auxquelles j’ai répondu de mon mieux ; il a eu l’air fort étonné de me voir, et m’a dit qu’il n’avait pas osé me saluer craignant que je ne voulusse garder l’incognito d’après… Comme je n’ai pas voulu le comprendre, je l’ai assuré que je n’étais pas un personnage assez important pour avoir aucune prétention à l’incognito, et la conversation en est restée là. — Vous savez, chère maman, que le marquis de Montmorency m’avait chargée d’un paquet pour madame de Vaudémont. Depuis trois jours, je faisais en vain toutes les perquisitions possibles pour savoir où elle demeurait ; enfin, hier, John que je venais d’envoyer à Altona pour s’en informer, me rendait compte de sa commission, lorsqu’un grand monsieur est venu me dire que madame la princesse de Lorraine était en voiture, qu’elle était bien fâchée que l’heure ne lui permît pas de descendre pour venir me remercier de lui avoir apporté un paquet, car, logeant à la campagne, elle craignait de trouver les portes de la ville fermées, etc. J’ai répondu sur le même ton ; monsieur de Boigne est descendu lui porter son paquet ; elle lui a dit qu’elle comptait passer chez moi vendredi, c’est-à-dire demain. D’après cela, vous imaginez bien que, dès aujourd’hui, j’irai lui présenter mes hommages ; je n’aurais pas osé aller chez elle de but en blanc ; mais, après la démarche qu’elle a faite, je crois que je ne peux lui montrer trop de respect et d’attentions. Je crois, au moins, que papa m’eût dit « vas-y » ; et il sait bien ce qu’il m’a promis le jour de mon départ, si j’étais sage et si j’écoutais bien tout ce qu’il me disait pendant mon absence. Au surplus, cette