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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/110

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

en chef avait vu la belle conduite du peloton. Il nous réunit auprès des six pièces que nous venions d’enlever, et après avoir donné les plus grands éloges au courage avec lequel nous avions débarrassé l’armée française d’une batterie qui lui faisait éprouver de très grandes pertes, il ajouta que pour nous récompenser d’avoir ainsi sauvé la vie à un grand nombre de nos camarades, et contribué au succès de la journée, il voulait user du pouvoir que lui donnait un décret récent du premier Consul, qui venait d’instituer des armes d’honneur, et qu’il accordait au peloton trois sabres d’honneur et une sous-lieutenance, nous autorisant à désigner nous-mêmes ceux qui devraient recevoir ces récompenses. Nous regrettions encore plus vivement la perte du brave Pertelay jeune, qui aurait fait un si bon officier ! Pertelay aîné, un brigadier et un housard obtinrent des sabres d’honneur qui, trois ans après, donnèrent droit à la croix de la Légion d’honneur. Il restait à désigner celui d’entre nous qui aurait une sous-lieutenance. Tous mes camarades prononcèrent mon nom, et le général en chef, se rappelant ce que le général Séras lui avait écrit sur la conduite que j’avais tenue à San-Giacomo, me nomma sous-lieutenant !… Il n’y avait qu’un mois que j’étais maréchal des logis. Je dois avouer cependant que dans l’attaque et l’enlèvement des pièces, je n’avais rien fait de plus que mes camarades ; mais, ainsi que je l’ai déjà dit, aucun de ces bons Alsaciens ne se sentait en état de commander et d’être officier. Ils me désignèrent donc à l’unanimité, et le général en chef voulut bien tenir compte de la proposition que le général Séras avait faite précédemment en ma faveur ; peut-être aussi, je dois le dire, fut-il bien aise de faire plaisir à mon père. Ce fut du moins ainsi que celui-ci apprécia mon prompt avancement, car dès qu’il en fut informé, il m’écrivit pour