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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/133

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LA LANTERNE.

dait si quelqu’un était blessé… Personne ne répondit, car, par un hasard vraiment miraculeux, pas un des nombreux éclats de la bombe n’avait frappé les hommes ni les chevaux agglomérés sur la petite place ! Quant aux personnes qui, comme moi, étaient sous le balcon, elles furent couvertes de poussière, de fragments de dalles et de colonnes, mais sans avoir été blessées.

J’ai dit qu’habituellement les Anglais ne nous bombardaient que la nuit ; mais cependant, un jour qu’ils célébraient je ne sais quelle fête, leur flotte pavoisée s’approcha de la ville en plein midi et s’amusa à nous envoyer une grande quantité de projectiles. Celle de nos batteries qui avait le plus d’avantage pour répondre à ce feu était placée près du môle, sur un gros bastion en forme de tour nommé la Lanterne. Le général en chef me chargea de porter au commandant de cette batterie l’ordre de ne tirer qu’après avoir bien fait pointer, et de réunir tous ses feux sur un brick anglais, qui était venu insolemment jeter l’ancre à peu de distance de la Lanterne. Nos artilleurs tirèrent avec tant de justesse qu’une de nos bombes de cinq cents, tombant sur le brick anglais, le perça depuis le pont jusqu’à la quille, et il s’enfonça en un clin d’œil dans la mer. Cela irrita tellement l’amiral anglais qu’il fit avancer immédiatement toutes ses bombardes contre la Lanterne, sur laquelle elles ouvrirent un feu très violent. Ma mission remplie, j’aurais dû retourner auprès de Masséna ; mais on dit avec raison que les jeunes militaires, ne connaissant pas le danger, l’affrontent avec plus de sang-froid que ne le font les guerriers expérimentés. Le spectacle dont j’étais témoin m’intéressait vivement. La plate-forme de la Lanterne, garnie de dalles en pierres, était tout au plus grande comme une cour de moyenne étendue et était armée de