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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/151

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DE BREST A SALAMANQUE.

à Brest, les deux flottes alliées étaient destinées à transporter en Irlande le général Bernadotte et de nombreuses troupes de débarquement, tant françaises qu’espagnoles ; mais en attendant qu’on fît cette expédition, qui ne se réalisa pas, la présence de tant d’officiers de terre et de mer rendait la ville de Brest fort animée. Le général en chef, les amiraux et plusieurs généraux recevaient tous les jours. Les troupes des deux nations vivaient dans la meilleure intelligence, et je fis connaissance de plusieurs officiers espagnols.

Nous nous trouvions fort bien à Brest, lorsque le général en chef jugea à propos de retransporter le quartier général à Rennes, ville fort triste, mais plus au centre du commandement. À peine y fûmes-nous établis, que ce que j’avais prévu arriva. Le premier Consul restreignit le nombre des aides de camp que le général en chef devait conserver. Il ne pouvait avoir qu’un colonel, cinq officiers de grade inférieur, et plus d’officiers provisoires. En conséquence, je fus averti que j’allais être placé dans un régiment de cavalerie légère. J’en eusse pris mon parti si c’eût été pour retourner au 1er de housards, où j’étais connu, et dont je portais l’uniforme ; mais il y avait plus d’un an que j’avais quitté le corps ; le colonel m’avait fait remplacer, et le ministre m’envoya une commission pour aller servir dans le 25e de chasseurs à cheval, qui venait d’entrer en Espagne et se rendait sur les frontières du Portugal, vers Salamanque et Zamora. Je sentis alors plus amèrement le tort que m’avait fait le général Bernadotte, car, sans ses promesses trompeuses, je serais entré comme aide de camp en pied auprès du maréchal Masséna, en Italie, ou j’eusse repris ma place au 1er de housards.

J’étais donc fort mécontent ; mais il fallait obéir !… Une fois les premiers mouvements de mauvaise humeur