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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/158

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

trouvait à Salamanque ; il me reçut parfaitement et me proposa même de rester auprès de lui comme aide de camp à la suite ; mais je venais de faire une expérience qui m’avait démontré que si le service de l’état-major offre plus de liberté et d’agrément que celui des troupes, ce n’est que lorsqu’on s’y trouve comme aide de camp titulaire, sans quoi, toutes les corvées tombent sur vous, et vous n’avez qu’une position très précaire. Je refusai donc la faveur que le général en chef voulait m’accorder, et demandai à aller faire le service dans mon régiment. Bien me prit d’avoir eu tant de raison, car l’année suivante, le général, ayant eu le commandement de l’expédition de Saint-Domingue, emmena un lieutenant qui, sur mon refus, était entré à son état-major, et tous les officiers, ainsi que le général, moururent de la fièvre jaune.

Je trouvai le 25e de chasseurs à Salamanque. Le colonel, M. Moreau, était un vieil officier fort bon. Il me reçut très bien, mes nouveaux camarades aussi, et au bout de quelques jours je fus au mieux avec tous. On m’introduisit dans la société de la ville, car alors la position de Français était on ne peut plus agréable en Espagne, et entièrement opposée à ce qu’elle fut depuis. En effet, en 1804, nous étions alliés aux Espagnols. Nous venions combattre pour eux contre les Portugais et les Anglais ; aussi nous traitaient-ils en amis. Les officiers français étaient logés chez les habitants les plus riches ; c’était à qui en aurait ; on les recevait partout, on les accablait d’invitations. Ainsi admis familièrement dans l’intérieur des Espagnols, nous pûmes, en peu de temps, beaucoup mieux connaître leurs mœurs que ne purent le faire, en plusieurs années, les officiers qui ne vinrent dans la Péninsule qu’à l’époque de la guerre de l’Indépendance. Je logeais chez un professeur