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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/159

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L’ALENTEJO.

de l’Université, qui m’avait placé dans une très jolie chambre donnant sur la belle place de Salamanque. Le service que je faisais au régiment étant peu fatigant, me laissait quelques loisirs ; j’en profitai pour étudier la langue espagnole, qui est, à mon avis, la plus majestueuse et la plus belle de l’Europe. Ce fut à Salamanque que je vis pour la première fois le célèbre général Lasalle, alors colonel du 10e de housards. Il me vendit un cheval.

Les quinze mille Français envoyés dans la Péninsule avec le général Leclerc formaient l’aile droite de la grande armée espagnole, que commandait le prince de la Paix, et se trouvaient ainsi sous ses ordres. Il vint nous passer en revue. Ce favori de la reine d’Espagne était alors le roi de fait. Il me parut fort satisfait de sa personne, bien qu’il fût petit et d’une figure sans distinction ; mais il ne manquait ni de grâce ni de moyens. Il mit notre corps d’armée en mouvement, et notre régiment alla à Toro, puis à Zamora. Je regrettai d’abord Salamanque, mais nous fûmes aussi très bien dans ces autres villes, surtout à Zamora, où je logeai chez un riche négociant dont la maison avait un superbe jardin, dans lequel une nombreuse société se réunissait le soir pour faire de la musique et passer une partie de la nuit à causer au milieu des bosquets de grenadiers, de myrtes et de citronniers. Il est difficile de bien apprécier les beautés de la nature lorsqu’on ne connaît pas les délicieuses nuits des pays méridionaux !…

Il fallut cependant s’arracher à l’agréable vie que nous menions pour aller attaquer les Portugais. Nous entrâmes donc sur leur territoire. Il y eut quelques petits combats qui furent tous à notre avantage. Le corps français se porta sur Visen, pendant que l’armée espagnole descendait le Tage et pénétrait dans l’Alentejo.