Aller au contenu

Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
143
AVENTURE DE ROUTE.

agréablement. Les fonds envoyés par le ministre arrivent ; je touche et paye. Me voilà dégagé de tout soin, et je me prépare à rejoindre mon régiment.

Je possédais un dolman en nankin, tressé de même, avec boutons en argent. J’avais fait faire ce costume de fantaisie lorsque j’étais à l’état-major de Bernadotte, où il était de mode d’être ainsi vêtu lorsqu’on voyageait par la chaleur. Je résolus de le prendre pour faire le trajet de Bayonne à Toulouse, puisque je n’étais pas avec la troupe. J’enferme donc mon uniforme dans ma malle et la fais porter à la diligence, où j’avais retenu, et malheureusement payé, ma place d’avance. Cette voiture partant à cinq heures du matin, je chargeai le garçon de l’hôtel où je logeais, de venir me réveiller à quatre heures, et le drôle m’ayant bien promis d’être exact, je m’endormis dans la sécurité la plus complète ; mais il m’oublia, et lorsque j’ouvris les yeux, le soleil dardait ses rayons dans ma chambre : il était plus de huit heures !… Quel contretemps ! J’en demeurai pétrifié !… Puis, après avoir bien pesté, un peu juré, et maudit le garçon négligent, je compris qu’il fallait prendre une résolution. La diligence ne partait que tous les deux jours, premier inconvénient ; mais il n’était pas le plus grave, car la caisse du régiment avait payé ma place, puisque j’étais resté en arrière pour affaire de service ; mais elle n’était pas tenue de la payer une seconde fois, et j’avais eu l’étourderie de la solder jusqu’à Toulouse, de sorte que, si je prenais une nouvelle place, elle devait être à mes frais. Or les diligences étaient très chères alors, et j’avais très peu d’argent. Puis, que devenir pendant quarante-huit heures à Bayonne, quand tous mes effets étaient partis ?… Je résolus de faire le trajet à pied, et sortant à l’instant de la ville, je pris fort résolument le chemin de Tou-