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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/167

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SÉJOUR À TOULOUSE.

Le lendemain, je ne pus qu’à grand’peine remettre mes bottes, tant à cause de leur humidité, que parce que j’avais les pieds gonflés. Je me traînai cependant jusqu’à Pau, où, n’en pouvant plus, je fus contraint de m’arrêter toute la journée. Je n’y trouvai d’autre moyen de transport que la malle-poste, et, bien que les places y fussent très chères, j’en pris une jusqu’à Gimont, où je fus reçu à bras ouverts par M. Dorignac, un ami de mon père, chez lequel j’avais passé plusieurs mois à ma sortie de Sorèze. Je me reposai quelques jours auprès de sa famille, puis une diligence me transporta à Toulouse. J’avais dépensé quatre fois le prix de la place que j’avais perdue par la négligence du garçon de l’hôtel de Bayonne !

À mon arrivée à Toulouse, j’allais m’occuper de trouver un logement, lorsque le colonel me prévint qu’il en avait loué un pour moi chez un vieux médecin de ses amis nommé M. Merlhes, dont je n’oublierai jamais le nom, car cet homme vénérable, ainsi que sa nombreuse famille, furent parfaits pour moi. Pendant les quinze jours que je passai chez eux, j’y fus traité plutôt en enfant de la maison qu’en locataire.

Le régiment était nombreux et bien monté. Nous manœuvrions très souvent, ce qui m’intéressait beaucoup, bien que j’y gagnasse quelquefois les arrêts du chef d’escadron Blancheville, excellent officier, vieux troupier, avec lequel j’appris à servir avec exactitude, et sous ce rapport, je lui dois beaucoup. Ce commandant qui, avant la Révolution, avait été aide-major dans les gendarmes de Lunéville, possédait une grande instruction. Il portait un grand intérêt aux jeunes officiers capables d’apprendre, et les forçait, bon gré, mal gré, à étudier leur métier. Quant aux autres, qu’il nommait têtes dures, il se contentait de hausser les épaules lors-