Aller au contenu

Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
156
MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

ligue secrète, dans laquelle entrèrent presque tous les colonels, ainsi qu’une foule d’officiers supérieurs, qu’on excitait contre le premier Consul, en l’accusant d’aspirer à la royauté, ce à quoi, paraît-il, il ne pensait pas encore.

Il fut convenu que la garnison de Rennes, composée de plusieurs régiments, commencerait le mouvement, qui s’étendrait comme une traînée de poudre dans toutes les divisions de l’armée ; et comme il fallait que dans cette garnison il y eût un corps qui se décidât le premier, pour enlever les autres, on fit venir à Rennes le 82e de ligne, commandé par le colonel Pinoteau, homme capable, très actif, très brave, mais à la tête un peu exaltée, quoiqu’il parût flegmatique. C’était une des créatures de Bernadotte et l’un des chefs les plus ardents de la conspiration. Il promit de faire déclarer son régiment, dont il était fort aimé.

Tout était prêt pour l’explosion, lorsque Bernadotte, manquant de résolution, et voulant, en vrai Gascon, tirer les marrons du feu avec la patte du chat, persuada au général Simon et aux principaux conjurés qu’il était indispensable qu’il se trouvât à Paris au moment où la déchéance des Consuls serait proclamée par l’armée de Bretagne, afin d’être en état de s’emparer sur-le-champ des rênes du gouvernement, de concert avec Moreau, avec lequel il allait conférer sur ce grave sujet ; en réalité, Bernadotte ne voulait pas être compromis si l’affaire manquait, se réservant d’en profiter en cas de réussite, et le général Simon, ainsi que les autres conspirateurs, furent assez aveugles pour ne pas apercevoir cette ruse. On convint donc du jour de la levée de boucliers, et celui qui aurait dû la diriger, puisqu’il l’avait préparée, eut l’adresse de s’éloigner.

Avant le départ de Bernadotte pour Paris, on rédigea