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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/177

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CONSPIRATION DE RENNES.

une proclamation adressée au peuple français, ainsi qu’à l’armée. Plusieurs milliers d’exemplaires, préparés d’avance, devaient être affichés le jour de l’événement. Un libraire de Rennes, initié par le général Simon et par Fourcart au secret des conspirateurs, se chargea d’imprimer cette proclamation lui-même. C’était bien, pour que la publication pût avoir lieu promptement en Bretagne ; mais Bernadotte désirait avoir à Paris un grand nombre d’exemplaires, qu’il était important de répandre dans la capitale et d’envoyer dans toutes les provinces, dès que l’armée de l’Ouest se serait révoltée contre le gouvernement, et comme on craignait d’être découvert en s’adressant à un imprimeur de Paris, voici comment fit Bernadotte pour avoir une grande quantité de ces proclamations sans se compromettre. Il dit à mon frère Adolphe, son aide de camp, qu’il venait de faire nommer lieutenant dans la légion de la Loire, qu’il l’autorisait à l’accompagner dans la capitale et qu’il l’engageait à y faire venir son cheval et son cabriolet, attendu que le séjour serait long. Mon frère, enchanté, remplit de divers effets les coffres de cette voiture, dont il confie la conduite à son domestique, qui devait venir à petites journées pendant qu’Adolphe s’en va par la diligence. Dès que mon frère est parti, le général Simon et le commandant Fourcart, retardant sous quelque prétexte le départ du domestique, ouvrent les coffres du cabriolet, dont ils retirent les effets, qu’ils remplacent par des paquets de proclamations ; puis, ayant tout refermé, ils mettent en route le pauvre Joseph, qui ne se doutait pas de ce qu’il emmenait avec lui.

Cependant, la police du premier Consul, qui commençait à se bien organiser, avait eu vent qu’il se tramait quelque chose dans l’armée de Bretagne, mais sans savoir précisément ce qu’on méditait, ni quels étaient les