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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/183

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ÉPILOGUE DU COMPLOT.

tout nier, au cas où, la conspiration manquant son effet, le général Simon viendrait à l’accuser d’y avoir participé. Le premier Consul, bien que convaincu de la culpabilité de Bernadotte, n’avait que des demi-preuves, sur lesquelles son conseil des ministres ne jugea pas qu’il fût possible de motiver un acte d’accusation contre un général en chef dont le nom était très populaire dans le pays et dans l’armée ; mais on n’y regarda pas de si près avec mon frère Adolphe. Une belle nuit, on vint l’arrêter chez ma mère, et cela dans un moment où la pauvre femme était déjà accablée de douleur.

M. de Canrobert, son frère aîné, qu’elle était parvenue à faire rayer de la liste des émigrés, vivait paisiblement auprès d’elle, lorsque, signalé par quelques agents de police comme ayant assisté à des réunions dont le but était de rétablir l’ancien gouvernement, on le conduisit à la prison du Temple, où il fut retenu pendant onze mois ! Ma mère s’occupait à faire toutes les démarches possibles pour démontrer son innocence et obtenir sa liberté, lorsqu’un affreux malheur vint encore la frapper.

Mes deux plus jeunes frères étaient élevés au prytanée français. Cet établissement possédait un vaste parc et une belle maison de campagne au village de Vanves, non loin des rives de la Seine, et dans la belle saison, les élèves allaient y passer les quelques jours de vacances. On faisait prendre des bains de rivière à ceux dont on avait été satisfait. Or, il arriva qu’une semaine, à la suite de quelque peccadille d’écoliers, le proviseur priva tout le collège du plaisir de la natation. Mon frère Théodore était passionné pour cet exercice ; aussi résolut-il, avec quelques-uns de ses camarades, de s’en donner la joie, à l’insu de leurs régents. Pour cela, pendant que les élèves dispersés jouent dans le parc, ils gagnent un lieu isolé, escaladent le mur et, par une chaleur accablante, se