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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/191

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ÉCOLE DE VERSAILLES.

blissement des feuilles de solde, car on voyait dans cette revue tous les uniformes de la cavalerie française.

Les officiers-élèves appartenant à différents corps, et n’étant réunis que pour un temps limité à la durée des cours, il ne pouvait exister entre eux cette bonne camaraderie qui fait le charme de la vie de régiment. Nous étions d’ailleurs trop nombreux (quatre-vingt-dix) pour qu’il s’établît une grande intimité entre tous. Il y avait des coteries, mais pas de liaisons. Au surplus, je ne sentis nullement le besoin de faire société avec mes nouveaux camarades. Je partais tous les samedis pour Paris, où je passais toute la journée du lendemain et une bonne partie du lundi auprès de ma mère. Celle-ci avait à Versailles deux anciennes amies de Rennes, les comtesses de Châteauville, vieilles dames fort respectables, très instruites, et qui recevaient société choisie. J’allais deux ou trois fois par semaine passer la soirée chez elles. J’employais les autres soirs à la lecture, que j’ai toujours fort aimée, car si les collèges mettent l’homme sur la voie de l’instruction, il doit l’achever lui-même par la lecture. Quel bonheur j’éprouvais, au milieu d’un hiver fort rude, à rentrer chez moi après le dîner, à faire un bon feu, et là, seul, retranché derrière mon paravent en face de ma petite lampe, à lire jusqu’à huit ou neuf heures ; puis je me couchais pour ménager mon bois et je continuais ma lecture jusqu’à minuit ! Je relus ainsi Tacite, Xénophon, ainsi que presque tous les auteurs classiques grecs et latins. Je revis l’histoire romaine, celle de France et des principaux États de l’Europe. Mon temps, ainsi partagé entre ma mère, les exercices de l’école, un peu de bonne société et mes chères lectures, se passait fort agréablement.

Je commençai à Versailles l’année 1803. Le printemps