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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/20

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Comme vous désirez bien plus connaître les détails de ce qui m’est advenu, que de me voir retracer longuement des faits historiques déjà consignés dans une foule d’ouvrages, je n’en parlerai que sommairement, pour marquer les diverses époques des temps où j’ai vécu et l’influence que les événements ont eue sur ma destinée. Je serai plus explicite en ce qui concerne les personnes. Je rectifierai avec impartialité les jugements portés sur celles d’entre elles que j’ai été à même de connaître. Quant au style, il sera sans prétention, comme il convient à une simple narration faite en famille.

À côté de faits de la plus haute importance politique, j’en relaterai de gais, de bizarres, même de puérils, et entrerai, dans ce qui m’est personnel, dans des détails qui pourront peut-être paraître oiseux.

Presque tous les hommes se plaignent de leur destinée. La Providence m’a mieux traité, et quoique ma vie n’ait certainement pas été exempte de tribulations, la masse de bonheur s’est trouvée infiniment supérieure à celle des peines, et je recommencerais volontiers ma carrière sans y rien changer. Le dirai-je ? j’ai toujours eu la conviction que j’étais né heureux. À la guerre comme en politique, j’ai surnagé au milieu des tempêtes qui ont englouti presque tous mes contemporains, et je me vois entouré d’une famille tendre et dévouée. Je rends donc grâces à la Providence du partage qu’elle m’a fait.

Mars 1844.