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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/210

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

voulut faire un exemple, et bien qu’il eût de l’affection pour le général Lannes et fût convaincu que pas un centime n’était entré dans sa poche, il le déclara responsable du déficit de trois cent mille francs, ne lui laissant que huit jours pour verser cette somme dans les caisses de la garde, sous peine d’être traduit devant un conseil de guerre ! Cette sévère décision produisit un excellent effet, en mettant un terme au gaspillage qui s’était introduit dans la comptabilité des corps ; mais le général Lannes, quoique récemment marié à la fille du sénateur Guéhéneuc, était dans l’impossibilité de payer, lorsque Augereau, informé de la fâcheuse position de son ami, court chez son notaire, prend trois cent mille francs, et charge son secrétaire de les verser au nom du général Lannes dans les caisses de la garde ! Le premier Consul, informé de cette action, en sut un gré infini au général Augereau, et pour mettre Lannes en état de s’acquitter envers celui-ci, il lui donna l’ambassade de Lisbonne, qui était fort lucrative.

Voici un autre exemple de la générosité d’Augereau. Il était peu lié avec le général Bernadotte. Celui-ci venait d’acheter la terre de Lagrange, qu’il comptait payer avec la dot de sa femme ; mais ces fonds ne lui ayant pas été exactement remis, et ses créanciers le pressant, il pria Augereau de lui prêter deux cent mille francs pour cinq ans. Augereau y ayant consenti, Mme Bernadotte s’avisa de lui demander quel serait l’intérêt qu’il prendrait. « Madame, répondit Augereau, je conçois que les banquiers, les agents d’affaires retirent un produit des fonds qu’ils prêtent ; mais lorsqu’un maréchal est assez heureux pour obliger un camarade, il ne doit en recevoir d’autre intérêt que le plaisir de lui rendre service. »

Voilà cependant l’homme qu’on a représenté comme