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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/223

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LE CAMP DE BOULOGNE.

ensemble, et demain vous irez occuper dans mes terres l’emploi de garde-chasse, qui n’a rien d’incompatible avec le port de votre décoration. » L’Empereur, informé de ce trait de bon goût, et désirant depuis longtemps connaître M. de Narbonne, dont il avait entendu vanter le bon sens et l’esprit, le fit venir, et fut si satisfait de lui, que par la suite il le prit pour aide de camp. M. de Narbonne est le père de Mme la comtesse de Rambuteau. Après avoir distribué les croix à Paris, l’Empereur se rendit dans le même but au camp de Boulogne, où l’armée fut réunie sur un emplacement demi-circulaire, en face de l’Océan. La cérémonie fut imposante. L’Empereur y parut pour la première fois sur un trône, environné de ses maréchaux. L’enthousiasme fut indescriptible… La flotte anglaise, qui apercevait la cérémonie, envoya quelques navires légers pour essayer de la troubler par une forte canonnade, mais nos batteries des côtes leur ripostaient vivement. La fête terminée, l’Empereur, retournant à Boulogne suivi de tous les maréchaux et d’un cortège immense, s’arrêta derrière ces batteries, et, appelant le général Marmont, qui avait servi dans l’artillerie : « Voyons, lui dit-il, si nous nous souvenons de notre ancien métier, et lequel de nous deux enverra une bombe sur ce brick anglais qui s’est tellement rapproché pour nous narguer… » L’Empereur, écartant alors le caporal d’artillerie chef de pièce, pointe le mortier ; on met le feu, et la bombe, frôlant les voiles du brick, va tomber dans la mer. Le général Marmont pointe à son tour, approche aussi du but, mais n’atteint pas non plus le brick, qui, voyant la batterie remplie de généraux, redoublait la vivacité de son feu. « Allons, reprends ton poste », dit Napoléon au caporal. Celui-ci ajuste à son tour, et fait tomber la bombe au beau milieu