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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/237

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OUVERTURE DES HOSTILITÉS.

car le sentier, à peine tracé, était bordé de précipices que la neige nous eût empêchés de distinguer. J’étais harassé !… mais après m’être reposé, et avoir repris mes forces, je repartis au point du jour et gagnai Raperschwill, où je retrouvai une voiture et des routes carrossables.

Le plus pénible du voyage était fait ; aussi, malgré la neige et un froid très vif, je parvins à Bâle, et puis à Huningue, où le 7e corps se trouva réuni le 19 octobre. Dès le lendemain, il commença à passer le Rhin sur un pont de bateaux jeté à cet effet ; car, bien qu’à une petite demi-lieue de là il y eût un pont de pierre dans la ville de Bâle, l’Empereur avait ordonné au maréchal Augereau de respecter la neutralité de la Suisse, neutralité que neuf ans plus tard les Suisses violèrent eux-mêmes, en livrant, en 1814, ce pont aux ennemis de la France.

Me voilà donc faisant la guerre derechef. Nous étions en 1805, année qui vit s’ouvrir pour moi une longue série de combats, dont la durée fut de dix ans consécutifs, puisqu’elle ne se termina que dix ans après, à Waterloo. Quelque nombreuses qu’aient été les guerres de l’Empire, presque tous les militaires français ont joui d’une ou de plusieurs années de repos, soit parce qu’ils tenaient garnison en France, soit parce qu’ils se trouvaient en Italie ou en Allemagne lorsque nous n’avions la guerre qu’en Espagne ; mais, ainsi que vous allez le voir, il n’en fut pas de même pour moi, qui constamment envoyé du nord au midi et du midi au nord, partout où l’on se battait, ne passai pas une seule de ces dix années sans aller au feu, et sans arroser de mon sang quelque contrée de l’Europe.

Je n’ai pas l’intention de faire ici le récit détaillé de la campagne de 1805, dont je me bornerai à rappeler les faits principaux.

Les Russes, qui marchaient au secours de l’Autriche,