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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/249

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LES HOUSARDS DE BLANKENSTEIN.

aggraver la position de ce feld-maréchal et de ceux de leurs camarades qui se trouvaient déjà au pouvoir des Français. Ces derniers seraient en effet en droit de les envoyer prisonniers en France, si une partie des troupes autrichiennes violait le traité convenu. À cela, le colonel de housards répondit que lorsque le général en chef d’une armée, perdant la tête, manque à ses devoirs et livre ses troupes à l’ennemi, les subalternes ne doivent plus prendre conseil que de leur courage et de leur attachement au pays. Alors le colonel, brandissant son sabre d’une main et saisissant de l’autre l’étendard de son régiment, s’écrie : « Allez, dragons, allez, allez remettre aux Français vos étendards avilis et les armes que notre Empereur nous avait données pour le défendre. Quant à nous, braves housards, nous allons rejoindre notre auguste Souverain, auquel nous pourrons encore montrer avec honneur notre drapeau sans tache et nos sabres de soldats intrépides ! » Puis, s’approchant de moi, et lançant un coup d'œil de mépris aux uhlans et dragons, il ajoute : « Je suis certain que si ce jeune Français se trouvait dans notre position, et forcé d’imiter votre conduite ou la mienne, il prendrait le parti le plus courageux, car les Français aiment la gloire autant que leur pays et s’y connaissent en honneur !… » Cela dit, le vieux chef hongrois pique des deux, et, enlevant son régiment au galop, il se lance rapidement dans l’espace, où ils disparaissent bientôt !…

Il y avait du vrai dans chacun des deux raisonnements que je venais d’entendre, mais celui du colonel de housards me paraissait le plus juste, parce qu’il était le plus conforme aux intérêts de son pays ; j’approuvais donc intérieurement sa conduite, mais je ne pouvais raisonnablement conseiller aux dragons et aux uhlans de l’imiter ; c’eût été sortir de mon rôle et manquer à mes