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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/250

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

devoirs. Je gardai donc une stricte neutralité dans cette discussion, et, dès que les housards furent partis, je proposai aux deux colonels des autres régiments de me suivre, et nous nous mîmes en route pour Lindau. Nous y trouvâmes sur la plage du lac les maréchaux Jellachich et Augereau, ainsi que l’armée française, et les deux régiments d’infanterie autrichienne qui n’avaient pas suivi le prince de Rohan. En apprenant par moi que les housards de Blankenstein, refusant de reconnaître la capitulation, se dirigeaient vers la Moravie, les deux maréchaux entrèrent dans une grande colère. Celle d’Augereau était principalement motivée par la crainte que ces housards ne jetassent une grande perturbation sur les derrières de l’armée française, car la route qu’ils allaient suivre traversait les contrées dans lesquelles l’Empereur, en marchant sur Vienne, avait laissé de nombreux dépôts de blessés, de parcs d’artillerie, etc., etc. Mais le colonel ne crut pas devoir signaler sa présence par un coup de main, tant il avait hâte de s’éloigner du pays où rayonnaient les armées françaises ; aussi, évitant tous nos postes et suivant constamment des chemins de traverse, se cachant le jour dans les bois, puis marchant rapidement toute la nuit, il parvint à gagner sans encombre les frontières de la Moravie, et s’y réunit au corps d’armée autrichien qui l’occupait.

Quant aux troupes restées avec le feld-maréchal Jellachich, après avoir déposé leurs armes, étendards et drapeaux, et nous avoir remis leurs chevaux, elles devinrent prisonnières sur parole pour un an, et se dirigèrent dans un morne silence vers l’intérieur de l’Allemagne, pour gagner tristement la Bohême. Je me rappelais, en les voyant partir, la noble allocution du vieux colonel hongrois, et crus voir sur bien des figures de uhlans et de dragons que beaucoup regrettaient de n’avoir pas suivi