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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/273

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HÉSITATIONS DE LA PRUSSE.

vais. Napoléon, profitant de cet usage, ordonna donc au maréchal Bernadotte de passer par Anspach. Celui-ci obéit ; mais en apprenant la marche de ce corps français, la reine de Prusse et sa cour, qui détestaient Napoléon, s’écrièrent que le territoire prussien venait d’être violé, et profitèrent de cela pour exaspérer la nation et demander hautement la guerre. Le roi de Prusse et son ministre, M. d’Haugwitz, résistèrent seuls à l’entraînement général : c’était au mois d’octobre 1805, au moment où les hostilités allaient éclater entre la France et l’Autriche, et que les armées russes venaient renforcer celle-ci. La reine de Prusse et le jeune prince Louis, neveu du Roi, pour déterminer celui-ci à faire cause commune avec la Russie et l’Autriche, firent inviter l’empereur Alexandre à se rendre à Berlin, dans l’espoir que sa présence déciderait Frédéric-Guillaume.

Alexandre se rendit en effet dans la capitale de la Prusse, le 25 octobre. Il y fut reçu avec enthousiasme par la Reine, le prince Louis et les partisans de la guerre contre la France. Le roi de Prusse lui-même, circonvenu de tous côtés, se laissa entraîner en mettant toutefois pour condition (d’après les conseils du vieux prince de Brunswick et du comte d’Haugwitz) que son armée n’entrerait pas en campagne avant qu’on eût vu la tournure que prendrait la guerre sur le Danube, entre les Austro-Russes et Napoléon. Cette adhésion incomplète ne satisfit pas l’empereur Alexandre, ni la reine de Prusse ; mais ils ne purent pour le moment en obtenir de plus explicite. Une scène de mélodrame fut jouée à Potsdam, où le roi de Prusse et l’empereur de Russie, descendus à la lueur des flambeaux sous les voûtes sépulcrales du palais, se jurèrent en présence de la Cour une amitié éternelle, sur la tombe du grand Frédéric. Ce qui n’empêcha pas Alexandre d’accepter dix-huit mois après, et d’en-