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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/274

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

glober dans l’empire russe, une des provinces prussiennes que Napoléon lui donna par le traité de Tilsitt, et cela en présence de son malheureux ami Frédéric-Guillaume. L’empereur de Russie se rendit ensuite en Moravie pour se remettre à la tête de ses armées, car Napoléon avançait à grands pas vers la capitale de l’Autriche, dont il s’empara bientôt.

En apprenant l’hésitation du roi de Prusse et le traité de Potsdam, Napoléon, désireux d’en finir avec les Russes, avant que les Prussiens se déclarassent, se porta à la rencontre des premiers jusqu’à Brünn, où nous sommes actuellement.

On a dit depuis longtemps, avec raison, que les ambassadeurs sont des espions privilégiés. Le roi de Prusse, qui apprenait chaque jour les nouvelles victoires de Napoléon, voulant savoir à quoi s’en tenir sur la position respective des parties belligérantes, trouva convenable d’envoyer M. d’Haugwitz, son ministre, au quartier général français, afin qu’il pût juger les choses par lui-même. Or, comme il fallait un prétexte pour cela, il le chargea de porter la réponse à une lettre que Napoléon lui avait adressée pour se plaindre du traité conclu à Potsdam entre la Prusse et la Russie. M. d’Haugwitz arriva à Brünn quelques jours avant la bataille d’Austerlitz, et aurait bien voulu pouvoir y rester jusqu’au résultat de la grande bataille qui se préparait, afin de conseiller à son souverain de ne pas bouger, si nous étions vainqueurs, et de nous attaquer, dans le cas où nous serions battus.

Sans être militaires, vous pouvez juger sur la carte quel mal une armée prussienne, partant de Breslau en Silésie, pouvait faire en se portant par la Bohème sur nos derrières, vers Ratisbonne. Comme l’Empereur savait que M. d’Haugwitz expédiait tous les soirs un