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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/276

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

pensée, je peignis des couleurs les plus vives la défaite des Autrichiens, leur abattement, et l’enthousiasme des troupes françaises. Puis, présentant les trophées les uns après les autres, je nommai tous les régiments ennemis auxquels ils avaient appartenu. J’appuyai principalement sur deux, parce que leur capture devait produire un plus grand effet sur l’ambassadeur prussien.

« Voici, dis-je, le drapeau du régiment d’infanterie de S. M. l’empereur d’Autriche, et voilà l’étendard des uhlans de l’archiduc Charles, son frère. » — Les yeux de Napoléon étincelaient et semblaient me dire : « Très bien, jeune homme ! » — Enfin, il nous congédia, et en sortant, nous l’entendîmes dire à l’ambassadeur : « Vous le voyez, monsieur le comte, mes armées triomphent sur tous les points… l’armée autrichienne est anéantie, et bientôt il en sera de même de celle des Russes. » M. d’Haugwitz paraissait atterré, et Duroc nous dit, lorsque nous fûmes hors de l’appartement : « Ce diplomate va écrire ce soir à Berlin pour informer son gouvernement de la destruction du corps de Jellachich ; cela calmera un peu les esprits portés à nous faire la guerre, et donnera au roi de Prusse de nouvelles raisons pour temporiser ; or, c’est ce que l’Empereur souhaite ardemment. »

La comédie jouée, l’Empereur, pour se débarrasser d’un témoin dangereux qui pouvait rendre compte des positions de son armée, insinua à M. l’ambassadeur qu’il serait peu sûr pour lui de rester entre deux armées prêtes à en venir aux mains, et l’engagea à se rendre à Vienne, auprès de M. de Talleyrand, son ministre des affaires étrangères, ce que M. d’Haugwitz fit dès le soir même. Le lendemain, l’Empereur ne nous dit pas un mot relatif à la scène jouée la veille ; mais voulant sans doute témoigner sa satisfaction sur la manière dont