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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/275

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COMÉDIE DIPLOMATIQUE.

courrier à Berlin, il voulut que ce fût par lui qu’on apprit en Prusse la défaite et la prise du corps d’armée du feld-maréchal Jellachich, qui ne devait pas y être encore connue, tant les événements se précipitaient à cette époque ! Voici comment l’Empereur s’y prit pour y arriver.

Le maréchal du palais Duroc, après nous avoir prévenus de ce que nous avions à faire, fit replacer en secret dans le logement que Massy et moi occupions, tous les drapeaux autrichiens que nous avions apportés de Bregenz ; puis, quelques heures après, lorsque l’Empereur causait dans son cabinet avec M. d’Haugwitz, nous renouvelâmes la cérémonie de la remise des drapeaux, absolument de la même manière qu’elle avait été faite la première fois. L’Empereur, en entendant la musique dans la cour de son palais, feignit l’étonnement, s’avança vers les croisées suivi de l’ambassadeur, et voyant les trophées portés par les sous-officiers, il appela l’aide de camp de service, auquel il demanda de quoi il s’agissait. L’aide de camp ayant répondu que c’étaient deux aides de camp du maréchal Augereau, venant apporter à l’Empereur les drapeaux du corps autrichien de Jellachich, pris à Bregenz, on nous fit entrer, et là, sans sourciller, et comme s’il ne nous avait pas encore vus, Napoléon reçut la lettre du maréchal Augereau qu’on avait recachetée, et la lut, bien qu’il en connût le contenu depuis quatre jours. Puis il nous questionna, en nous faisant entrer dans les plus grands détails. Duroc nous avait prévenus qu’il fallait parler haut, parce que l’ambassadeur prussien avait l’oreille un peu dure. Cela arrivait fort mal à propos pour mon camarade Massy, chef de la mission, car une extinction de voix lui permettait à peine de parler. Ce fut donc moi qui répondis à l’Empereur, et entrant dans sa