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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/300

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

bon pied devant le roi de Prusse, entre les mains duquel je devais remettre moi-même une lettre de l’Empereur. Vous voyez que Napoléon ne négligeait aucun détail, lorsqu’il s’agissait de relever le militaire français aux yeux des étrangers.

Je partis enfin, après avoir reçu les dépêches et les instructions de l’Empereur, qui me recommanda surtout de bien examiner les troupes prussiennes, leur tenue, leurs armes, leurs chevaux, etc… M. de Talleyrand me remit un paquet pour M. Laforest, ambassadeur de France à Berlin, chez lequel je devais descendre. Arrivé à Mayence, qui se trouvait alors faire partie du territoire français, j’appris que le maréchal Augereau était à Wiesbaden. Je m’y rendis et le surpris fort en lui disant que j’allais à Berlin par ordre de l’Empereur. Il m’en félicita et m’ordonna de continuer ma route. Je marchai nuit et jour par un temps superbe du mois de juillet, et arrivai à Berlin un peu fatigué. À cette époque, les routes de Prusse n’étant pas encore ferrées, on roulait presque toujours au pas sur un sable mouvant où les voitures, enfonçant profondément, soulevaient des nuages de poussière insupportables.

M. Laforest me reçut à merveille. Je logeai à l’ambassade et fus présenté au Roi et à la Reine, ainsi qu’aux princes et aux princesses. En recevant la lettre de l’Empereur, le roi de Prusse parut fort ému. C’était un grand et bel homme, dont la figure exprimait la bonté ; mais il manquait de cette animation qui dénote un caractère ferme. La Reine était vraiment très belle ; une seule chose la déparait : elle portait toujours une grosse cravate, afin, disait-on, de cacher un goître assez prononcé qui, à force d’être tourmenté par les médecins, s’était ouvert et répandait une matière purulente, surtout lorsque cette princesse dansait, ce qui était son divertis-