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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/306

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

en 1809, les Autrichiens renouvelèrent seuls la guerre contre Napoléon, au moment où celui-ci était en paix avec la Prusse et la Russie ! Ce désaccord assura la victoire à la France. Malheureusement, il n’en fut pas de même en 1813, où nous fûmes écrasés par la coalition de nos ennemis.

Le roi de Prusse eut d’autant plus tort, en 1806, de se déclarer contre Napoléon avant l’arrivée des Russes, que ses troupes, bien que fort instruites, n’étaient pas en état de se mesurer avec les nôtres, tant leur composition et leur organisation étaient mauvaises. En effet, à cette époque, les capitaines prussiens étaient propriétaires de leur compagnie ou escadron : hommes, chevaux, armes, habillements, tout leur appartenait. C’était une espèce de ferme qu’ils louaient au gouvernement, moyennant un prix convenu. On conçoit que toutes les pertes étant à leur compte, les capitaines avaient un grand intérêt à ménager leur compagnie, tant dans les marches que sur les champs de bataille, et comme le nombre d’hommes qu’ils étaient tenus d’avoir était fixé, et qu’il n’existait pas de conscription, ils enrôlaient à prix d’argent d’abord les Prussiens qui se présentaient, ensuite tous les vagabonds de l’Europe que leurs enrôleurs embauchaient dans les États voisins. Mais cela ne suffisant pas, les recruteurs prussiens enlevaient de vive force un très grand nombre d’hommes, qui, devenus soldats malgré eux, étaient tenus de servir jusqu’à ce que l’âge les mît hors d’état de porter les armes ; alors on leur délivrait un brevet de mendiant, car la Prusse n’était pas assez riche pour leur donner les Invalides ou la pension de retraite. Pendant la durée de leur service, ces soldats étaient encadrés entre de vrais Prussiens, dont le nombre devait être au moins de moitié de l’effectif de chaque compagnie, afin de prévenir les révoltes.