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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/340

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

de camp de vouloir bien entrer dans le cabinet de Sa Majesté pour dire au maréchal Duroc que j’avais à lui parler d’une affaire qui ne pouvait souffrir aucun retard. Duroc sortit, et je lui rendis compte de ce qui se passait.

En apprenant qu’on voulait bâtonner un soldat français, le maréchal, partageant mon indignation, retourna sur-le-champ auprès du Roi, auquel il adressa une chaleureuse protestation, ajoutant que si on exécutait cette sentence, il était certain que l’Empereur ferait par représailles appliquer la bastonnade, non point aux soldats, mais aux officiers prussiens prisonniers de guerre… Le Roi était un homme fort doux ; il comprit qu’il fallait traiter les militaires de chaque nation selon leur point d’honneur ; il prescrivit donc de mettre le dragon Harpin en liberté, et pour se rendre agréable à Napoléon, dont il sollicitait en ce moment la paix, il offrit au maréchal Duroc de lui rendre les cent cinquante prisonniers français, s’il s’engageait à lui renvoyer un pareil nombre de Prussiens. Duroc ayant accepté, un aide de camp du Roi et moi fûmes annoncer la bonne nouvelle aux prisonniers français, dont la joie fut extrême… Nous les fîmes embarquer de suite, et une heure après ils étaient de l’autre côté de la Vistule, au milieu de leurs frères d’armes.

Le maréchal Duroc et moi quittâmes Graudentz la nuit suivante ; il approuva ma conduite et me dit plus tard qu’il en avait rendu compte à l’Empereur, dont elle avait obtenu l’assentiment, à tel point que, éclairé par ce qui s’était passé à Graudentz, il avait prévenu les Prussiens et les Russes que s’ils bâtonnaient ses soldats prisonniers, il ferait fusiller tous ceux de leurs officiers qui tomberaient en son pouvoir.

Je retrouvai à Bromberg le 7e corps, qui remonta bien-