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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/348

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

dès qu’on quittait le voisinage des incendies, les troupes étaient tellement mouillées et harassées, qu’il fut décidé qu’elles se reposeraient jusqu’au jour.

Golymin étant encombré de morts, de blessés et de bagages, les maréchaux Murat et Augereau, accompagnés de plusieurs généraux et de leur nombreux état-major, cherchant un asile contre la pluie glaciale, s’établirent dans une immense écurie située auprès du bourg. Là, chacun, s’étendant sur le fumier, chercha à se réchauffer et à dormir, car il y avait plus de vingt heures que nous étions à cheval par un temps affreux !… Les maréchaux, les colonels, tous les gros bonnets enfin, s’étant, comme de raison, établis vers le fond de l’écurie, afin d’avoir moins froid, moi, pauvre lieutenant, entré le dernier, je fus réduit à me coucher auprès de la porte, ayant tout au plus le corps à l’abri de la pluie, mais exposé à un vent glacial, car la porte n’avait plus de battants. La position était très désagréable. Ajoutez à cela que je mourais de faim, n’ayant pas mangé depuis la veille ; mais ma bonne étoile vint encore à mon secours. Pendant que les grands, bien abrités, dormaient dans la partie chaude de l’écurie, et que le froid empêchait les lieutenants placés à la porte d’en faire autant, un domestique du prince Murat se présenta pour entrer. Je lui fais observer à voix basse que son maître dort ; alors il me remet pour le prince un panier contenant une oie rôtie, du pain et du vin, en me priant de prévenir son maître que les mulets portant les vivres arriveraient dans une heure. Cela dit, il s’éloigna pour aller au-devant d’eux.

Muni de ces provisions, je tins conseil à petit bruit avec Bro, Mainvielle et Stoch, qui, aussi mal placés que moi, grelottaient et n’en étaient pas moins affamés. Le résultat de cette délibération fut que le prince Murat