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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/350

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

Il devenait donc impossible de faire mouvoir l’artillerie et de s’engager plus loin dans ce pays inconnu ; d’ailleurs, les troupes manquaient de vivres ainsi que de chaussures, et leur fatigue était extrême. Ces considérations décidèrent Napoléon à leur accorder quelques jours de repos, en cantonnant toute l’armée en avant de la Vistule, depuis les environs de Varsovie jusqu’aux portes de Danzig. Les soldats, logés dans les villages, furent enfin à l’abri du mauvais temps, reçurent leurs rations et purent raccommoder leurs effets.

L’Empereur retourna à Varsovie pour y préparer une nouvelle campagne. Les divisions du corps d’Augereau furent réparties dans les villages autour de Plusk, si on peut donner ce nom à un amas confus d’ignobles baraques habitées par de sales Juifs ; mais presque toutes les prétendues villes de Pologne sont ainsi bâties et peuplées, les seigneurs, grands et petits, se tenant constamment à la campagne, où ils font valoir leurs terres en y employant leurs paysans.

Le maréchal se logea à Christka, espèce de château construit en bois selon la coutume du pays. Il trouva dans ce manoir un appartement passable ; les aides de camp se placèrent comme ils purent dans les appartements et dans les granges. Quant à moi, à force de fureter, je découvris chez le jardinier une assez bonne chambre garnie d’une cheminée ; je m’y établis avec deux camarades, et laissant au jardinier et à sa famille leurs lits fort peu ragoûtants, nous en formâmes avec des planches et de la paille, sur lesquels nous fûmes très bien.