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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/355

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PRÉLUDES DE LA BATAILLE D’EYLAU.

de Ziegelhof, le maréchal gravit ce plateau où se trouvait déjà l’Empereur, et j’entendis Napoléon dire à Augereau : « On me proposait d’enlever Eylau ce soir ; mais, outre que je n’aime pas les combats de nuit, je ne veux pas pousser mon centre trop en pointe avant l’arrivée de Davout, qui est mon aile droite, et de Ney, qui est mon aile gauche ; je vais donc les attendre jusqu’à demain sur ce plateau, qui, garni d’artillerie, offre à notre infanterie une excellente position ; puis, quand Ney et Davout seront en ligne, nous marcherons tous ensemble sur l’ennemi ! » Cela dit, Napoléon ordonna d’établir son bivouac au bas de Ziegelhof, et de faire camper sa garde tout autour.

Mais pendant que l’Empereur expliquait ainsi ses plans au maréchal Augereau, qui louait fort sa prudence, voici ce qui se passait. Les fourriers du palais impérial, venant de Landsberg, suivis de leurs bagages et valets, arrivèrent jusqu’à nos avant-postes, situés à l’entrée d’Eylau, sans que personne leur eût dit de s’arrêter auprès de Ziegelhof. Ces employés, habitués à voir le quartier impérial toujours très bien gardé, n’ayant pas été prévenus qu’ils se trouvaient à quelques pas des Russes, ne songèrent qu’à choisir un bon logement pour leur maître, et ils s’établirent dans la maison de la poste aux chevaux, où ils déballèrent leur matériel, et se mirent à faire la cuisine et à installer leurs chevaux… Mais, attaqués au milieu de leurs préparatifs par une patrouille ennemie, ils eussent été enlevés sans le secours du détachement de la garde qui accompagnait constamment les équipages de l’Empereur. Au bruit de la fusillade qui éclata sur ce point, les troupes du maréchal Soult, établies aux portes de la ville, accoururent au secours des bagages de Napoléon, que les troupes russes pillaient déjà. Les généraux ennemis, croyant que les