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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/382

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

Les ennemis occupaient Bartenstein, sur la rive droite de cette même rivière que les deux armées descendaient parallèlement. Benningsen, ayant ses magasins de vivres et de munitions à Kœnigsberg, où se trouvait le corps prussien, désirait se porter sur cette ville avant l’arrivée des Français ; mais, pour cela, il devait repasser sur la rive gauche de l’Alle, sur laquelle se trouvaient les troupes de Napoléon venant d’Eylau. Le général russe espéra les devancer à Friedland, assez à temps pour franchir la rivière avant qu’elles pussent s’y opposer. Les motifs qui portaient Benningsen à conserver Kœnigsberg faisant désirer à l’Empereur de s’en emparer, il avait constamment manœuvré depuis plusieurs jours pour déborder la gauche des ennemis, afin de les éloigner de cette place vers laquelle il avait détaché Murat, Soult et Davout, pour s’opposer aux Russes s’ils y arrivaient avant nous.

Mais l’Empereur ne s’en tint pas à cette précaution, et prévoyant que pour gagner Kœnigsberg les Russes chercheraient à passer l’Alle à Friedland, il voulut occuper avant eux cette ville, sur laquelle il dirigea, dans la nuit du 13 au 14 juin, les corps des maréchaux Lannes et Mortier, ainsi que trois divisions de cavalerie. Le surplus de l’armée devait suivre.

Le maréchal Lannes, qui faisait l’avant-garde avec les grenadiers d’Oudinot et une brigade de cavalerie, arrivant à Posthenen, une lieue en deçà de Friedland, à deux heures du matin, fit reconnaître cette dernière ville par le 9e de housards, qui fut repoussé avec pertes, et le soleil levant nous permit de voir une grande partie de l’armée russe massée de l’autre côté de l’Alle, sur les plateaux élevés entre Allenau et Friedland. L’ennemi commençait à passer sur l’ancien pont de la ville, auprès duquel il en construisait deux nouveaux.