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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/384

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

mais le corps du maréchal Mortier ne tarda pas à paraître, et pour disputer aux Russes la route de Kœnigsberg, en attendant de nouveaux renforts, il occupa Heinrichsdorf et l’espace situé entre ce village et celui de Posthenen. Cependant, il n’était pas possible que Mortier et Lannes pussent résister avec vingt-cinq mille hommes aux soixante-dix mille Russes qui allaient bientôt se trouver en face d’eux. Le moment devenait donc très critique… Le maréchal Lannes expédiait à tout moment des officiers pour prévenir l’Empereur de hâter l’arrivée des corps d’armée qu’il savait en marche derrière lui. Monté sur la rapide Lisette et envoyé le premier vers l’Empereur, que je ne rejoignis qu’à sa sortie d’Eylau, je le trouvai rayonnant de joie !… Il me fit placer à côté de lui, et tout en galopant, je dus lui expliquer ce qui s’était passé avant mon départ du champ de bataille. Mon récit achevé, l’Empereur me dit en souriant : « As-tu bonne mémoire ? — Passable, Sire. — Eh bien, quel anniversaire est-ce aujourd’hui, 14 juin ? — Celui de Marengo. — Oui, oui, reprit l’Empereur, celui de Marengo, et je vais battre les Russes comme je battis les Autrichiens ! » Napoléon avait une telle conviction à ce sujet qu’en longeant les colonnes dont les soldats le saluaient par de nombreux vivat, il ne cessait de leur dire : « C’est aujourd’hui un jour heureux, l’anniversaire de Marengo !… »