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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/389

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FRIEDLAND.

jument si j’eusse trouvé les routes libres ; mais, comme elles étaient encombrées par les troupes des divers corps se portant en toute hâte au secours du maréchal Lannes, devant Friedland, il m’était absolument impossible de galoper en suivant le chemin ; je me jetai donc à travers champs, de sorte que Lisette ayant eu à franchir des barrières, des haies et des ruisseaux, était déjà très fatiguée lorsque je joignis l’Empereur, au moment où il sortait d’Eylau. Cependant, je dus, sans prendre une minute de repos, retourner avec lui à Friedland, et bien que cette fois les troupes se rangeassent pour nous laisser passer, ma pauvre jument ayant fait tout d’une traite douze lieues au galop, dont six à travers champs et par une très forte chaleur, se trouvait vraiment harassée, lorsque, arrivé sur le champ de bataille, je rejoignis le maréchal Lannes. Je compris que Lisette ne pouvait faire un bon service pendant l’action ; je profitai donc du moment de repos que l’Empereur accorda aux troupes pour chercher mon domestique et changer ma monture ; mais au milieu d’une armée aussi considérable comment trouver mes équipages ?… Cela me fut impossible. Je revins donc à l’état-major, toujours monté sur Lisette hors d’haleine.

Le maréchal Lannes et mes camarades, témoins de mon embarras, m’engagèrent à mettre pied à terre pour faire reposer ma jument pendant quelques heures, lorsque j’aperçus un de nos housards conduisant en main un cheval qu’il avait pris sur l’ennemi. J’en fis l’acquisition, et confiant Lisette à l’un des cavaliers de l’escorte du maréchal, afin qu’il passât derrière les lignes pour la faire manger et la remettre à mon domestique dès qu’il l’apercevrait, je montai mon nouveau cheval, repris mon rang parmi les aides de camp, et fis les courses à mon tour. Je fus d’abord très satisfait de ma monture, jusqu’au