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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/45

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SORÈZE.

tins, en abattant l’édifice qu’ils avaient établi sur les ruines de leur Ordre. L’Université, dirigée par l’abbé Frayssinous, prit parti pour les Jésuites. M. Raymond Ferlus céda alors le collège à son gendre, M. Bernard, ancien officier d’artillerie, qui avait été mon condisciple. Celui-ci n’entendait rien à la direction d’un tel établissement ; d’ailleurs, une foule de bons collèges vinrent lui faire concurrence, et Sorèze, perdant de jour en jour de son importance, est devenu une des plus médiocres maisons d’éducation.

Je reviens à l’époque où je fus placé à Sorèze. Je vous ai dit comment dom Ferlus avait sauvé ce collège de la ruine et comment, soutenu par les soins de cet homme éclairé, ce fut le seul grand établissement de ce genre que la Révolution laissa debout. Les moines prirent l’habit laïque, et le nom de citoyen remplaça celui de dom. À cela près, rien d’essentiel n’était changé dans le collège, qui subsistait paisiblement dans un coin de la France, pendant qu’elle était en proie aux plus cruels déchirements. Je dis que rien d’essentiel n’était changé, parce que les études y suivaient leur cours habituel et que l’ordre n’était point troublé ; mais il était cependant impossible que l’agitation fébrile qui régnait au dehors ne se fît un peu sentir dans le collège. Je dirai même que dom Ferlus, en homme très habile, faisait semblant d’approuver ce qu’il ne pouvait empêcher. Les murs étaient donc couverts de sentences républicaines. Il était défendu de prononcer le nom de monsieur. Les élèves n’allaient au réfectoire ou à la promenade qu’en chantant la Marseillaise ou autres hymnes républicains, et comme ils entendaient parler constamment des hauts faits de nos armées, que même quelques-uns des plus âgés s’étaient enrôlés parmi les volontaires, et que d’autres en avaient aussi le désir, toute cette jeunesse qui,